La filature Garnier
Les deux mêmes cartes postales. L'une en noir et blanc et l'autre colorisée. Elles représentent la sortie des ouvrières de la filature Garnier.
Les ouvrières et le contremaître posent pour la photo. Je crois que le contremaître est Ferdinand Marius Lions dit La Visquette. Au troisième rang, au milieu se trouve mon arrière-grand-mère Thérèse Vincent née Bertrand. La pancarte devant en bas porte la mention : Filature Usine Garnier - Trans 1893.
Le personnel de la filature était composé essentiellement de femmes. A gauche, peut-être le directeur ou un contremaître. Cette photo date des années 1920. S'y trouvent ma grand-mère Marie-Louise Vincent épouse Rambaud et sa soeur Irène Vincent épouse Boulon. Beaucoup d'autres personnes que j'ai connues, que je suis allée interroger chez elles pour mon exposition de photos et cartes postales anciennes en 2006 à l'hôtel de ville. Bien sûr, je ne les ai connues qu'étant âgées.
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Trans en Provence a été un grand centre industriel avec une très importante filature de soie (dont le bâtiment subsiste) et non une magnanerie comme elle est baptisée à tort par des personnes qui ne sont pas originaires de Trans et qui ne l'ont pas connue en fonctionnement. Une magnanerie n'était destinée exclusivement qu'à l'élevage des vers à soie. Or, ce n'était pas le cas à Trans, car on y exploitait les cocons qui étaient produits dans le village même, dans les villages des alentours mais qui venaient aussi de l'étranger. La soie qui y était produite partait à Lyon par le train vers les usines de tissage. La gare de Trans avait été inaugurée en 1864. C'était la filature Ricaud qui avait été reprise vers 1880 par Monsieur Garnier de Marseille. La filature Garnier a compté jusqu'à 150 ouvrières. Pour exemple, dans ma famille, ma trisaïeule Philomène, ma biaïeule Thérèse, ainsi que ses filles : ma grand-mère Marie-Louise et sa soeur Irène y ont travaillé. En 1921, la filature changea de main et devint la propriété de Monsieur Sirmakéchian. Les photos de la filature que vous voyez ci-dessus datent de la fin XIX-début XXe siècle. Elles sont reproduites dans le livre : "La soie, de la graine au tissu" d'Yves Fattori, le créateur du Musée des ATP de Draguignan.
Imaginez les ouvrières qui travaillaient les mains dans l'eau bouillante toute la journée, la vapeur qui s'en dégageait ainsi que l'odeur des chysalides bouillies qu'elles respiraient. J'ai bien connue Mesdames Joséphine Troin dite Fifi et Emilie Biagini dite Lili (qui étaient de l'âge de ma grand-mère) et qui m'ont raconté leur dur travail à la filature. Madame Troin me montrait ses doigts déformés et me disait : "Tu vois, c'est de toujours avoir eu les mains dans l'eau bouillante que mes doigts se sont tordus ainsi". Il faut dire que les ouvrières commençaient à travailler très jeunes : dès l'âge de 13 ans en sortant de l'école, parfois même avant. Quand des contrôleurs venaient inspecter la filature, bien vite, le contremaître les faisaient cacher pour ne pas qu'elle soient découvertes et que la patron puisse être pénalisé. Je vous parle bien entendu de l'époque d'avant la guerre de 1914. Cette filature a fonctionné jusque dans les années 50.
Le cocon du ver à soie se compose de deux enveloppes : l'une extérieure qui consiste en une sorte de gaze très lâche, l'autre intérieure qui est formée d'un tissu très serré. Cette dernière est le cocon proprement dit et fournit seul un fil de grande valeur ; l'autre, à cause de son irrégularité, ne peut être dévidée et ne donne qu'une soie propre à être cardée.
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